Biocarburants : les micro-algues, une piste prometteuse mais encore lointaine

Biocarburants : les micro-algues, une piste prometteuse mais encore lointaine

Les biocarburants de première génération sont critiqués pour leur pression sur le cours des denrées agricoles et leur bilan carbone contestable. La piste des micro-algues séduit nombre d’entrepreneurs, d’investisseurs et de grands groupes, mais le chemin est encore long en termes de coût et de technique.

Désavoués y compris par la Commission européenne, les biocarburants de première génération peuvent-ils être prochainement remplacés par des produits n’entrant

pas en compétition avec les terres agricoles et les denrées alimentaires ?

Les biocarburants dits de deuxième génération seront issus de plantes non alimentaires ou de parties non alimentaires des plantes. Mais il faut toujours les cultiver, même si certaines espèces (telles que le miscanthus, très utilisé pour le carburant pour avions) sont adaptées aux terres arides.

Entre 240 et 332 dollars le baril de carburant

Seules les algues ont l’avantage de ne pas faire du tout concurrence aux terres et denrées agricoles, et présentent en outre un rendement jusqu’à dix fois meilleur que celui des agro-carburants de première génération. Faciles à cultiver et à croissance rapide elles sont en outre de véritables gouffres à CO2, dont elles ont besoin pour se développer. Seul problème: étudiées depuis une bonne trentaine d’années, les micro-algues (de l’ordre de 8 à 10 microns, invisibles à l’œil nu) n’ont toujours pas livré les clés permettant de les transformer en huile puis en carburant à des prix abordables, et en tout état de cause, compétitifs au regard du baril de pétrole. Une étude du Lawrence Berkerley National Laboratory chiffrait en 2010 entre 240 et 332 dollars le coût de revient d’un baril d’huile produite à partir de micro-algues.

Les marais salants français bientôt convertis en fermes?

Les start-ups américaines qui ont récemment investi ce créneau testent plusieurs technologies: la culture par photosynthèse en bassin à ciel ouvert est la plus répandue. Outre Sapphire, qui a installé la plus grande ferme au monde sur 120 hectares de désert au Nouveau Mexique et vise une production annuelle de 1,5 million de barils en 2014, d’autres fermes sont en développement en Californie, en Floride, à Hawaï et en Australie.

En France, le projet Salinalgue, développé sur d’anciens marais salants à Gruissan (Aude) près de Narbonne par la Compagnie du Vent, filiale de GDF Suez au sein d’un consortium auquel participe également Air Liquide exploite les propriétés de la Dunaliella Salina, friande d’eau très salée et résistante aux micro-organismes, et le fort ensoleillement dont bénéficie la région. C’est aussi une piste pour réhabiliter les marais salants qui ont perdu de nombreux emplois depuis quelques années et dont les terrains sont (à ce jour) inaptes à d’autres usages. Pas moins de 6000 hectares ont ainsi été rachetés l’année dernière par le Conservatoire du Littoral. Cette culture permettrait aussi à terme d’absorber le CO2 produit par les raffineries et cimenteries de Fos ou Port-la-Nouvelle. L’objectif est d’atteindre un rendement de 10 tonnes par hectare et de faire baisser le coût, aujourd’hui estimé entre 5 et 10 euros le litre.

Culture à ciel ouvert, en cuves transparentes ou opaques

Mais d’autres techniques sont également explorées. Ainsi, c’est en cuves opaques où les algues sont nourries de matières végétales que l’américain Solazyme a fabriqué le premier carburant issu de micro-algues destiné à l’aviation et testé l’an dernier par United Airlines. Le français Fermentalg, soutenu par Emertec, a fait le même choix.
D’autres encore, comme Bio Fuel System en Espagne, testent la culture par photosynthèse dans des gaines transparentes en sortie des cheminées d’usines.
Le suédois Vattenfall et l’italien Enel utilisent eux aussi le CO2 en sortie de leurs centrales thermiques pour faire pousser des algues et l’australien Algae-Tec va ouvrir une usine en Europe pour y fabriquer un biocarburant destiné à l’aviation.

Les pétroliers aux côtés des jeunes pousses

La californienne Synthetic Genomes a franchi un pas supplémentaire en transformant génétiquement les micro-algues existantes pour les rendre plus adaptées à la transformation en huile. Exxon Mobil est prêt à financer sa recherche à hauteur de 300 millions de dollars sur les 10 prochaines années, si le calendrier prévu est respecté, et BP fait aussi partie du tour de table.
Et ce n’est pas la seule jeune pousse à attirer les investissements: même si les coûts doivent être abaissés à toutes les étapes du processus, tout comme la consommation d’énergie pour l’extraction de l’huile, de nombreux fonds et de grands énergéticiens misent gros sur la piste des micro-algues.

Des marchés de niche pour financer des débuts coûteux

Sapphire bénéficie du soutien de plusieurs fonds d’investissement dont celui de Bill Gates et a levé plusieurs dizaines de millions de dollars. Solazyme, qui a en outre choisi de cibler dans un premier temps des marchés de niche (cosmétiques, pharmacie, agro-alimentaire…) est soutenu par Chevron, Richard Branson ou encore Unilever. Valorisée à 650 millions de dollars, la start-up vise la production de 142 millions de gallons (537 millions de litres) d’ici à 2015…
Nettement plus que l’objectif de Sapphire (1,5 million de barils – 238 millions de litres à compter de 2014), mais à mettre en regard d’une consommation quotidienne de 18,8 millions de barils ( près de 3000 millions de litres) pour les seuls États-Unis.

Source : La Tribune.fr
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